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Le dahu, animal protégé


 


 

La partie montagneuse de la commune de Reignier, la "Colline", située à l'ouest de la ligne de chemin de fer, a été classé zone de protection du dahu, par arrété de biotope du Préfet de la Haute-Savoie en date du 1er avril 1967.

La chasse au dahu y est strictement interdite, de même que sa photographie. Des aires spéciale de retournement pour dahu ont été aménagées, grâce à l'aide généreuse de la Direction Départementale de l'Agriculture.

Cet animal méconnu a été l'objet de nombreux articles de presse récents. Nous en reproduisons deux ci-dessous avec l'aimable autorisation des auteurs.

Malheureusement, se pose aujourd'hui la grave question de savoir si, comme tant d'autres espèces, le dahu est en voie de dispartion. Nous laisserons sur ce point la parole à Giovanni Busato qui nous a autorisé à reproduit son remarquable article "Appunti di fantazoologia… il Dahu è in via di estinzione ? Bestiario Alpino e riflessioni semiserie"


 

Le dahu, insaississable et pourtant vivace



EN CETTE époque où la bio-diversité est en chute libre, le cas du dahu défie la logique. Habitant des hautes montagnes, ce mammifère étrange ne fut connu qu'après le Moyen Age. Les innombrables tentatives de l'homme pour capturer - ou même simple ment approcher - le moindre représentant de l'espèce s'étant invariablement soldées par un échec, nos sociétés modernes ont pratiquement fini par y renoncer.


Est-ce pour cela que l'animal est parvenu à rester si vivant dans notre imaginaire ? Dans le même temps, et de façon apparemment paradoxale, il est en tout cas devenu plus familier aux naturalistes. Notamment à certains d'entre eux, qui ont consacré, ces dernières années, une belle énergie à réhabiliter son existence.


Marcel Jacquat, par exemple. Conservateur du Musée d'histoire naturelle de La Chaux-de-Fonds (Suisse). Cet entreprenant pédagogue, désormais en passe de devenir spécialiste mondial du dahu, a rassemblé au fil des ans une impressionnante quantité de témoignages et de matériel (squelette, moulages d'empreintes, touffes de poils) sur le mystérieux ruminant. Au point d'avoir rédigé à son sujet une très sérieuse monographie (malheureusement épuisée), et de lui avoir consacré, dans son musée, toute une exposition. Inaugurée le 1er avril 1995, celle-ci accueillit de nombreux visiteurs jusqu'alors persuadés du caractère fictif de la bête, qui repartirent convaincus du contraire.


Grâce à ses travaux et à quelques autres, on sait désormais que Dahutus montanus, dont la morphologie tient de la chèvre et du renard, appartient à l'ordre des ongulés artiodactyles. On a trouvé des signes de sa présence dans les Alpes, dans les montagnes rocheuses américaines, dans les neiges du Kilimandjaro, ainsi que sur les sommets tibétains dont il aurait toutefois disparu récemment. De taille moyenne (80 cm de hauteur au garrot), ce mammifère au doux pelage brun est doté d'une petite queue en forme d'arc dirigé vers le ciel. Le dahu, surtout, présente une bizarrerie anatomique à nulle autre pareille : ses pattes sont plus courtes d'un côté que de l'autre. Ce qui l'oblige à vivre à flanc de montagne, et à se déplacer en suivant au plus près les courbes de niveau. Sans, bien sûr, jamais se retourner, sous peine d'une chute fatale.


Animal social


Barbarisme de la nature ? Déformation génétique ? Adaptation à l'environnement particulier ? Quoi qu'il en soit, cette singularité est sans doute aussi ancienne que l'animal lui-même, puisqu'on la retrouve, fidèlement reproduite, sur une peinture rupestre des gorges de Jumia-Ölkky (Finlande). Les dahus dont les pattes sont plus courtes du côté gauche sont appelés lévogyres, à l'inverse les autres sont dits dextrogyres. Et, dans un cas comme dans l'autre, cette dissymétrie latérale des membres ne leur simplifie pas la vie.


De cette vie et de ses mœurs, justement, que sait-on ? C'est à Philippe Poulard qu'il faut cette fois se référer. Agé de trente-deux ans, cet informaticien nourrit " depuis sa plus tendre enfance " une passion pour le dahu, à la chasse duquel son père l'emmenait souvent. Une passion qu'il apprit ensuite à satisfaire en simple observateur, partant chaque année dans les Alpes à sa recherche. Jusqu'à cet automne 1997, où il dit avoir enfin pu, caché au loin plusieurs jours durant, épier à loisir un petit troupeau. " Animal social, le dahu présente des modèles de comportement qui expriment clairement les relations de domination on de soumission. Le hurlement communautaire peut servi à rassembler ses membres, à communiquer avec d'autres hordes ou à faire connaître ses revendications territoriales ", précise-t-il sur le site Internet - remarquable - qu'il lui a consacré depuis lors (http://dahu.free.fr).


Comme souvent dans le règne animal, c'est à la saison des amours que les rapports hiérarchiques entre individus atteignent leur paroxysme. " Les combats entre dahus mâles pour obtenir les faveurs d'une femelle sont fréquents et, bien que brefs, d'une sauvagerie inouïe : deux dahus en compétition s'affrontent toujours de front. Le premier qui est assez stupide pour se retourner pour faire face à l'autre perd l'équilibre et chute ", raconte Philippe Poulard. Une fois n'est pas coutume, ce n'est donc pas ici la raison du plus fort qui l'emporte, mais celle du plus intelligent. Quant à l'accouplement proprement dit, il suppose une bonne dose de self-control de la part du mâle : que celui-ci, aveuglé par le désir, dépasse sa dulcinée, et il lui faudra faire le tour entier de la montagne avant de l'approcher à nouveau.


Quand vient l'hiver, le dahu, chassé par le froid, descend vers les forêts d'altitude où il se nourrit d'épines de pins et de baies. C'est là que l'homme, de tous temps, a tenté de le capturer. La méthode est a priori infaillible : à l'affût dans un buisson, armé de patience et d'un sac de toile, vous attendez que la bête vous dépasse, puis vous sifflez. Piégée par sa légendaire curiosité, elle se retourne et chute ; il ne reste plus qu'à l'attraper. Alors ? Pourquoi la chasse au dahu, simple et de bon sens, n'a-t-elle jamais été couronnée de succès ? Certains, à cette question, se prennent à ricaner. Ce sont sûrement des empêcheurs de tourner en rond.


Catherine Vincent


"Le Monde" du 1er avril 2001. Article rédigé notamment à partir de Sciences et avenir, numéros hors-série sur "Les animaux extraordinaires", juillet - août 2000.


Cet article a entraîné la réaction suivante d'un lecteur, publiée dans "Le Monde" des 8 et 9 avril 2002


Votre article sur le dahu (Le Monde du 1er avril) est bien documenté en général, mais omet de mentionner les travaux de mon arrière-grand-père, qui en avait fait un élevage en Savoie, et, inspiré par les travaux de Mendel, favorisé des accouplements entre les deux variétés grâce à un fossé en Y de son invention.


Je vous communique les très intéressants résultats, conformes aux lois de la génétique, obtenus par mon ascendant :
- rien de particulier pour les rejetons conformes soit au père, soit à la mère ;
- ceux qui ont deux pattes courtes à l'avant ne peuvent que monter et n'ont pu que périr dans les neiges éternelles ;
- ceux qui ont celles-ci à l'arrière, inversement, sont tous morts noyés en Méditerranée;
- par contre, et là est la surprise, ceux qui ont des pattes longues selon une des deux diagonales se sont remarquablement adaptés à certains terrains cahoteux.


Sven Thorin Sceaux (Hauts-de-Seine)


The Dahu

An endangered Alpine species

What is a Dahu?

The Dahu is an extremely shy animal living in the Alps of France and Switzerland. Its appearance lies somewhere between a badger and a goat. It has adapted to its steep environment by having legs shorter on the uphill side and longer on the downhill side.

Two forms have been reported: the dextrogyrous form in which the right side legs are shorter, and the levogyrous form in which the left side legs are shorter. A third form remains unconfirmed.

Biology and reproduction of the Dahu

When the birds and the mammals diverged, the Dahu went straight ahead. Like mammals, it is covered with hair and walks on four legs. Like birds, it lays eggs and nests in crevasses of old trees or rocks. It feeds on mosses and lichens. During the winter, its coat becomes white to blend into the snowy surroundings.

Dextrogyrous and levogyrous forms usually do not interbreed. However, hybrids with either four short legs or four long legs have been observed in flat places. The logistics involved in copulation between the two different forms are said to be spectacular.

Hunting Dahu in Reignier (France)

Hunting the Dahu requires a brioche, a jute bag, a crooked stick and a saucepan lid.

Warning : in some places like Reignier, France, hunting the Dahu without a permit is illegal. A permit for dextrogyrous Dahus may -sometime- be obtained from the Mairie of Reignier (applications to catch the levogyrous form must be submitted in mirror script). You must rise the question directly to the Lord Major, presently Jean-François Ciclet.

Choose a moonlit night as Dahus flee any artificial light source. Bait the Dahu with the brioche laid on a bare rock and sit on a steep ant-free spot. Wait patiently until a Dahu emerges from the bushes. When you can distinguish its nostrils, bang loudly on the saucepan lid with the stick. The startled Dahu will turn around in flight but its shorter legs being downhill, the animal will fall sideways. Throw the crooked stick among its legs to confuse it further until you manage to push the Dahu inside the jute bag. After observation, the Dahu must be returned to its habitat, facing the same initial direction.

How to save the Dahu

The causes its decline are largely unknown but incredulity is certainly among the principal culprits. There is no doubt that the most important action to be taken now is to increase knowledge of the Dahu. The higher the number of people aware of its existence, the larger its population will become.

The Dahu, An endangered Alpine species, Science # 2568, November 1996, pp.112, reproduit avec l'aimable autorisation de Science.


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